C'est la première fois que Weta Digital est représentée à Annecy. Eric Reynolds travaille depuis 1997 dans l'animation et il est aujourd'hui un superviseur d'animation nominé aux Oscar avec la société d'effets spéciaux de Peter Jackson, Weta Digital, qu'il a rejointe en 2005 pour "King Kong". Il nous parlera de ses expériences en effets spéciaux à travers les tournages d'"Avatar" de James Cameron, "La Planète des singes", ou encore "Le Hobbit" de Peter Jackson.
Weta Digital est située dans la banlieue de Wellington. Sa spécialité est la conception d'images de synthèse, l'animation et la gestion de la motion capture, devenue performance capture à l’occasion d’Avatar de James Cameron.
Dans les effets visuels, le travail est souvent réalisé pour quelqu'un d'autre, avec un réalisateur qui est de l'autre côté de la planète. De manière idéale, le réalisateur décide de son film, les tâches sont distribuées et le rôle de Weta est de les aider dans la conception.
Eric Reynolds a travaillé sur Avatar en 2005 après avoir fini King Kong. Il utilise la motion capture pour produire des images réelles avec une animation de type réaliste et il nous explique, concernant l’architecture, que la forme suit la fonction, puis l'animation suit la forme. Pour Avatar, James Cameron voulait tout tourner en volume. À l'époque, il était révolutionnaire de tourner un film en vues réelles pour produire un rendu en images de synthèse. Ce film d'images de synthèse très réaliste se passe dans une jungle et en reconstituant cet univers en entier, Weta disposait des plans et des mouvements souhaités. C’était par exemple fabuleux pour les gens chargés de la texture car toute la couleur de cet univers était modifiable.
Ils ont aussi créé des animaux qui ne ressemblent à aucune chose connue, avec plusieurs ailes par exemple. Les départements artistiques envoyaient des modèles de créatures en dessin ou en pâte à modeler, puis Weta Digital les recréait en images de synthèse, avant même d'avoir reçu le scénario, ou de savoir comment elles devaient bouger ou se déplacer dans le film. Beaucoup de modélisations et d'essais de créatures ont été soumis à James Cameron pour savoir quelle voie prendre.
Eric Reynolds conseille de trouver un vrai animal, proche en termes de taille et de forme de l'animal animé que vous voulez créer, pour vous inspirer de ses mouvements et les reproduire sur votre créature. Il s'est par exemple basé sur des références de chauves-souris ou d'oiseaux pour appliquer certaines trajectoires, et des pélicans ont été utilisés pour avoir les mouvements d'ailes d'oiseaux plus gros.
Weta a toujours utilisé la capture de mouvement. Tous les acteurs avaient des capteurs sur le visage, tous ces points entrant dans l'ordinateur pour récolter des informations. L'idée est d’enregistrer tous les angles. Cela a permis de créer les références avec les vrais acteurs. Weta recherchait une animation très réaliste, avec un système se basant par exemple sur les différents muscles du visage, afin de pouvoir les séparer et avoir toutes les expressions faciales. Eric Reynolds explique qu'il a fallu des mois de réglages pour avoir les mêmes émotions entre l'avatar et l'acteur.
Pour La Planète des singes, le réalisateur n'avait jamais travaillé avec de l'animation. Beaucoup de performances d'acteurs et de travail sur les expressions de visages ont été utilisées puisque dans ce film les personnages ne parlent pas beaucoup. Ils ont donc choisi un personnage qui n'a pas tellement les traits d'un chimpanzé mais plutôt ceux d'un humain et ils ont réalisé qu'il y avait beaucoup de complexité sur les paupières. Les yeux sont le miroir de l’âme, mais c'est plutôt autour des yeux que l'on voit les émotions s'exprimer. Il y a eu beaucoup de gros plans dans ce film et ils ont même utilisé du liquide pour étudier la forme que prenait l'eau dans les yeux de l'acteur.
Les mouvements des chimpanzés devaient aussi être les plus réalistes possible. En se rendant au zoo de Wellington, ils ont pu filmer des références, par exemple les mouvements de lèvres qui sont très variés. Dupliquer ces formes de bouches de chimpanzés sur un humain a nécessité de filmer les chimpanzés avant de faire jouer l'acteur. Les lèvres de l'acteur étant plus structurées, ajouter de petites formes a permis d'atteindre le réalisme et le niveau d’émotion recherchés.
Il ne s'agit pas simplement de voir comment bougent les muscles, car il est aussi possible de voir les veines du front et les flux qui bougent dans le corps d'un humain. Mais les chimpanzés n'ont pas de veines visibles comme les humains, qui donnent des informations sur les émotions ressenties. Ils ont donc capturé des mouvements, puis ajouté des textures, comme le système de muscles ou la pilosité.
Pour La Planète des singes, la capture de mouvement a bien marché pour les gros plans mais pas tellement pour les mouvements. Une scène de ce film montre des singes qui se déplacent vers San Francisco. En cherchant des références sur YouTube, ils ont trouvé des vidéos où des orangs-outans s’échappent et se retrouvent en ville, mais une visite au zoo d’Auckland a été nécessaire pour trouver des références pour les orangs-outans. Le personnel du zoo plaçait des objets autour des cages quand les orangs-outans mangeaient. Une fois relâchés dans le parc, ils observaient ces objets et il a été possible de les filmer pour obtenir des références sur leurs mouvements et ensuite animer en keyframe.
Il a fallu ensuite tourner les scènes avec Andy Serkis qui joue le singe César, puis rejouer la scène sans lui pour pouvoir l'effacer et le remplacer par le singe. Eric Reynolds voulait que les gens croient au singe qui parle, et leur faire oublier qu'ils regardent des images de synthèse. Dans ce film, César porte l'arc narratif en entier.
Pour King Kong, Weta a utilisé une marionnette manipulée par des animateurs. Tous les éléments de la marionnette pouvaient bouger, mais elle cassait souvent. Le département conception des créatures a installé des capteurs pour sonder quand le système musculaire de la marionnette allait lâcher, et elle devenait rouge juste avant, pour avertir les animateurs de la façon de la manipuler.
Enfin, pour Le Hobbit, l'enjeu était de réaliser énormément d'images en très peu de temps. Gollum devait par exemple ressembler à celui du passé. Tout dépend de ce que demande le réalisateur, mais Peter Jackson était davantage concentré sur les dialogues.
Cela faisait longtemps qu'Eric Reynolds voulait animer le dragon Smaug, et quand c'est enfin arrivé, il a voulu insister sur la tête, les lèvres et le visage. La créature parle comme un humain mais a une tête plus grosse qu'une voiture, il y a beaucoup de muscles et de poids à créer. Pour rendre la chose réaliste, il fallait montrer ce poids et créer aussi des cornes qui bougent. Quand les mâchoires bougent, il fallait que tout le reste bouge aussi. Le but n'était pas de faire un long dialogue pour Smaug, mais il fallait rendre un visuel réaliste et au final, il parle davantage dans le film que dans le livre !
Un making of sortira sous la forme d'un DVD d'une durée de 8 heures pour montrer tout ce que Weta Digital a réalisé pour ce projet.
Question : Vous parlez d'un plan dans La Planète des singes pour lequel vous avez dû repeindre image par image. Pourquoi ne pas avoir utilisé le motion control ?
• E. R. : Je me suis rendu sur un plateau utilisant le motion control, et il faut mettre en place beaucoup de choses pour faire fonctionner ce système. Nous avons donc choisi de le filmer comme il faut mais nous ne nous étions pas rendu compte que cela allait être un problème aussi important.
Question : Beaucoup de vos plans impliquent de la keyframe. Cela existait-il avant ?
• E. R. : Nous voulions que notre studio utilise des choses nouvelles qui n'avaient jamais été faites, parce que cela nous aidait à raconter une histoire. Nous avions conscience du volume de notre travail et la capture de mouvement était utile pour les mouvements et les démarches. Cela nous a beaucoup aidé. Nous avons aussi fait de la capture de mouvement faciale, mais cela ne fonctionnait pas très bien. Nous utilisions 80 % de ce matériel mais ce sont les 10 % finaux qui sont très difficiles à créer et qui représentent la crédibilité ! Le recours à l’animation keyframe était donc une nécessité, mais il est vrai qu’il y a quelques années, nous n’aurions pas forcément insisté là-dessus…
Rédigé par Alain Andrieux, ITZACOM, France
Les synthèses des conférences Annecy 2015 sont réalisées avec le soutien de :
Conférences organisées par CITIA
Sous la responsabilité éditoriale de René Broca et Christian Jacquemart