Aujourd'hui, 93 % des enfants français ont des ordinateurs dans leur foyer, 75 % des enfants américains de 2 à 10 ans ont un smartphone (contre 54 % en 2011) et en Norvège 26 % des 3-11 ans possèdent une tablette numérique. La révolution numérique bouleverse les stratégies des distributeurs qui se livrent une bataille permanente pour les droits de diffusion. Le service de mesure d'audience Médiamétrie nous présente les chiffres de son étude annuelle, tandis que les autres intervenants nous parlent de la stratégie de distribution de leurs contenus sur les marchés actuels.
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Johanna Karsenty est directrice des recherches chez Médiamétrie/Eurodata TV Worldwide. Elle estime que les enfants nord-américains consommeraient en moyenne 3h33 de TV par jour, contre 2h14 pour les européens (3h55 pour les portugais, 2h09 pour les français) et 1h51 pour les enfants australiens.
La télévision est toujours en progression. En Espagne, les parts de Boing, la chaîne pour enfants lancée en 2010, ont doublé en deux ans. Disney Channel au Portugal ou CBeebies, chaîne de la BBC anglaise, enregistrent aussi de fortes progressions. "Les chaînes locales ont leur propre marché. Les histoires de dragon et les séries britanniques voyagent bien (Peppa Pig), mais tout cela est influencé par les habitudes culturelles et la surveillance des parents" remarque-t-elle.
Un Américain de 2 à 11 ans passerait en moyenne 24h16 devant la télé par semaine pour 2h21 sur Internet. Les enfants aiment la télévision même si elle est bouleversée par le numérique.
Ainsi, Sheriff Callie's Wild West est la série la plus populaire sur watchdisneyjunior.com avec 23 millions de vues, tandis que Tahiti Quest en France a dépassé les 120 000 spectateurs sur Gulli, et 1,5 million de vues sur le Net.
Pour Guillaume Soutter, cofondateur de PGS HK Limited, il n'y a pas de meilleur format. La qualité du programme définit le succès des formats courts ou longs.
Spécialisée dans les programmes pour enfants, sa société représente le distributeur international PGS Entertainment à Hong Kong : ''les producteurs peuvent nous contacter à n'importe quel moment, nous pouvons les aider sur la prévente et nous occuper du financement pour des diffusions internationales. Quand nous investissons, nous regardons si la licence et la publicité ont déjà été achetées. Puis nous étudions le territoire, l’écart à financer et le potentiel auquel nous évaluons le projet. Certains marchés sont plus difficiles, comme le Japon ou la Corée du Sud où beaucoup de producteurs sont déjà présents. La Chine adopte les quotas, 80 % des programmes sur CCTV doivent être chinois ou être des coproductions. Le marché du Moyen-Orient est bloqué par NBC qui fait beaucoup de commercial, même si Al Jazeera soutient beaucoup les programmes pour enfants. L'Afrique reste un challenge difficile et les États-Unis sont un marché cauchemardesque, de par les milliers de plateformes déjà existantes."
Olivier Dumont, directeur de E1, nous dévoile que 90 % des revenus viennent des licences et du merchandising, comme pour Hello Kitty qui est une marque uniquement visuelle. "Nous sommes très stratégiques sur nos contenus, nous ne faisons pas de développement maison, nous nous associons souvent à des producteurs. Pour arriver au succès, il faut d'abord acheter la meilleure chaîne de chaque pays, ce que ne font pas Disney et Nickelodeon. Nous cherchons des droits holistiques, pas seulement ceux de la télévision" confie-t-il.
Nick Dorra est basé en Finlande. Il est chargé de la stratégie de contenu de sa société Rovio, connue pour avoir lancé Angry Birds.
"L'animation, les jeux, le merchandising, tout renvoie au storytelling. L'animation fait partie de l'ADN de Rovio, les émotions faisant partie du décor de toute bonne animation visuelle."
Selon lui, le succès d'Angry Birds tient à la stratégie mise en place avant que le jeu ne devienne important. Douze personnes savaient quelles seraient les missions à suivre si Angry Birds dépassait le million de vues.
Dès le démarrage d'Angry Birds, Rovio a développé la production vidéo, avec un budget de 100 000 euros pour 2 minutes d'animation. Après avoir acheté un studio à Helsinki et employé 50 salariés, ils sont rapidement passés à 100 personnes. "Après les courts métrages promotionnels, 52 épisodes de 3 minutes ont été finalisés en mars 2013. Nous voulions notre propre chaîne de distribution pour nos jeux. Nous nous sommes basés sur nos premiers fans, puis nous avons établi des contacts avec les diffuseurs. 25 partenaires TV ont eu envie de nous suivre. Nous avons ensuite publié ToonsTV sur le Net, qui est une adaptation de l’expérience utilisateur que nous avions sur l'application. Au bout de six mois, nous avons dépassé le million de vues sur l'application et les programmes de ToonsTV ont atteint deux milliards de vues en 2013" révèle Nick Dorra.
Rovio travaille sur trois séries en production : Piggy Tales (Bad Piggies), Stella et Angry Birds Toons. Les licences des produits de consommation représentent la moitié du chiffre d'affaires de Rovio. La chaîne cherche aujourd'hui des programmes qui ciblent la famille et lui ressemblent. ToonsTV n'achète que des épisodes finis, sans dialogues ou en version anglaise, pour lesquels ils peuvent acquérir les droits mondiaux.
Nick, vous avez parlé de répartition de chiffre d'affaires ; est-il plus facile de choisir de vendre à une autre chaîne ou de diffuser sur sa propre chaîne ?
Nick : "Nous pouvons toujours négocier en interne, mais dans nos discussions avec nos diffuseurs, nous nous en tenons à notre business model. Nous avons pu avoir des partenariats avec les plus grosses chaînes et diffuser sur les deux réseaux sans que cela nous soit préjudiciable."
Rédigé par Alain Andrieux, ITZACOM, France
Traduit par Sheila Adrian
Les synthèses des conférences Annecy 2014 sont réalisées avec le soutien de :
Conférences organisées par CITIA
En collaboration avec Natalie Altmann, Media Valley
Contact : geraldinebache@citia.org