Après avoir présenté leurs projets de séries en cours, les intervenants précisent qu'ils travaillent principalement sur des séries d'auteur en coproduction. Tous les projets ne fonctionnent pas à l'international, il faut tester l'attrait du public pour chacun d'entre eux.
Les diffuseurs connaissent leur public et savent ce qu'il recherche. Le dialogue avec les créateurs est central dans la phase de développement pour opérer les changements en surface tout en restant fidèle à l'idée originale de la série. En Europe, le processus créatif se focalise davantage sur le message véhiculé, alors qu'aux États-Unis, la puissance et l'originalité des personnages sont plus développées. "Rester ouvert sur l'origine des nouveaux talents est une des clés de la réussite, mais il faut aussi parler avec les enfants pour comprendre ce qu'ils aiment dans nos histoires."
Vice-président Contenu – Animation & numérique
Disney Channels EMEA, The Walt Disney Company Limited
Royaume-Uni
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Tom Van Waveren souligne que les intervenants, comme le public, sont internationaux. Ils mènent une existence internationale pour réaliser leurs projets et produire des séries d'auteur au succès mondial. Une idée peut plaire au créateur mais ne pas correspondre aux standards du public actuel. Pour faire en sorte de se faire accepter partout dans le monde, certains changements doivent s'opérer au cours du développement. Cette conférence a pour but de présenter les différentes étapes et choix à effectuer pour produire une série au succès mondial. Il n'y a pas de recette magique, mais plusieurs ingrédients entrent en compte.
Orion Ross est américain, il est basé à Londres et travaille pour Disney Europe. Il ne travaille pas dans un studio, mais au sein d'une petite équipe qui commande deux ou trois coproductions par an. Il a ainsi commandé Randy Cunningham et les ninjas ou Molusco (Boyster), dirigé par Emmanuelle Fleury et coproduit par la société de production parisienne Je Suis Bien Content.
"Chez Disney, nous avons quatre possibilités de coproductions internationales annuelles, mais nous souhaitons créer six projets animés par an. Nous opérons quelques changements sur la création pendant le développement, mais nous cherchons à rester sur l'idée originale du créateur. Nous proposons des modifications en surface pour rendre le projet plus vendeur. Par exemple, la chemise de Boyster qui était grise à la base est devenue rouge. Nous avons rajouté des yeux à son frère pour lui permettre de s'exprimer, ou nous pouvons proposer de changer le nom d'un personnage", précise Orion Ross.
Une réussite mondiale est constituée d'une idée de base et d'une phase de développement. Après avoir acheté une histoire, la première phase consiste à chercher qui va pouvoir l'adapter. Rencontrer le réalisateur, comprendre la réalité du marché, se demander en quoi son projet est original permet de trouver une identité propre et de se distinguer.
Une fois le projet trouvé, le travail sur le développement commence, en vue de la production d'une première animatique. Cette phase met les projets à l’épreuve et doit servir à trouver les problèmes qui éviteront les surprises ultérieures, moins de modifications pouvant être réalisées en fin de parcours de développement. Le producteur doit ici créer un environnement pour garder un esprit créatif.
Il est difficile de former un consensus autour d'un projet, tout en gardant l'idée du créateur. Il faut respecter un budget, un calendrier et ajuster certains points pour augmenter l'attrait du public. Rassembler en amont les acteurs du projet autour d'une table est impératif, et inviter les producteurs de produits dérivés, qui peuvent être des moyens de financement, apporte aussi des idées nouvelles. De nouveaux acteurs inattendus émergent actuellement dans les contenus pour enfants, comme de grandes marques américaines. Si le partenaire commercial est déjà impliqué, le développement se fera aussi avec lui.
Vient ensuite la phase de test du pilote. Il est montré aux enfants, et des enquêtes sont réalisées auprès des spectateurs. Les coûts de production d'un teaser assez complet sont plus importants aujourd'hui, pour permettre de présenter la substance du projet avec de l'image animée.
Les diffuseurs connaissent leur public et savent ce qu'il recherche. Un dialogue peut changer l'idée du créateur et faire surgir peu à peu la bonne idée. Les plateformes numériques peuvent aussi constituer un premier démarrage, avant une diffusion sur les chaînes de télévision.
Cristina Fiumara fait remarquer que recevoir les notes du réseau peut parfois aveugler. Le réseau ne connaît pas le projet aussi bien que le créateur et celui-ci ne doit pas être trop influencé et doit garder le cap et l'idée de base.
"Le concept est moins important que la puissance du personnage. Le processus créatif doit porter sur le personnage", ajoute Cristina Fiumara. Les enfants s'identifient plus facilement à certains personnages, même si en Europe beaucoup d'importance est donnée au message de la série et moins aux personnages.
"Une marque mondiale doit se demander : qui est le personnage ? que répondrait-il à cette question ? La clé est de travailler à lui donner une âme", confirme Eryk Casemiro. Le sound design et la musique sont ici très importants, et le doublage de la voix est souvent problématique, au-delà des considérations budgétaires. Les projets pour lesquels les voix sont choisies par une société tierce peuvent ainsi devenir handicapants. N'importe quel animateur ne peut pas insuffler de la vie à un personnage, lui trouver une voix et un rythme dans le dialogue.
Aujourd'hui, de nombreux créateurs viennent de la bande dessinée. Savoir raconter, dessiner et faire de l'animation constitue une fibre commune pour travailler. Annecy est un lieu qui permet de rencontrer les créateurs et de découvrir de nouvelles personnes. Les nouvelles idées sont parfois difficiles à puiser. Il faut garder les yeux ouverts et être prêt à être surpris : le prochain talent peut venir de n'importe où.
Quels sont les indicateurs montrant qu'un projet peut s’élargir sur plusieurs pays ?
Tom Van Waveren : "Nous essayons d'avoir une vision que tout le monde puisse rejoindre, neuve et à laquelle le public puisse s'identifier. Nous avons toujours des surprises, mais en diffusant sur des réseaux internationaux, nous pouvons nous faire une idée. Comment vos enfants vont-ils adhérer à votre façon de raconter une histoire ? S'ils peuvent incarner les personnages et jouer avec, c'est bon signe."
Peut-il y avoir des situations où un scénariste peut changer de rôle ?
Orion Ross : "Le créateur a fait les dessins, mais c'est moins important que la vision créative du projet qui doit être portée par quelqu'un, et qui n'est pas forcément celle de l'idée initiale. C'est un fonctionnement en comité mais il faut quelqu'un qui se sente responsable du projet."
Rédigé par Alain Andrieux, ITZACOM, France
Traduit par Sheila Adrian
Les synthèses des conférences Annecy 2014 sont réalisées avec le soutien de :
Conférences organisées par CITIA
Contact : geraldinebache@citia.org